À la fois curieuses, inventives, cosmopolites, les éditions Zoé ont un seul ADN : de la littérature avant toute chose. Nous sommes très heureux de les accueillir au sein de la diffusion du CDE, depuis le 1er juillet.

C’est en 1975, dans le sillon des mouvements contestataires des années 60, que Marlyse Pietri crée les éditions Zoé. Les dix premières années, le modèle est celui d’un atelier du livre, où toutes les tâches d’imprimerie et d’édition sont réunies sous un même toit.

En 2011, Caroline Coutau reprend la direction de la maison. Catherine Safonoff, Nicolas Bouvier, Robert Walser, Agota Kristof, ou encore Michel Layaz, Matthias Zschokke et Lukas Bärfuss sont alors rejoints par Richard Wagamese, Elisa Shua Dusapin, Max Lobe, Gabriella Zalapì, Anne-Sophie Subilia et bien d’autres. Des voix libres, sincères et précises qui disent le monde et ses replis, l’extraordinaire dans l’ordinaire.

Les éditions Zoé fêtent leur 50 ans cette année, et de nombreuses manifestations se sont déroulées (ou vont se dérouler) en librairie. C’est l’occasion pour nous tous et toutes de découvrir (ou redécouvrir) ces grands noms de la littérature et les dernières nouveautés via le bon de commande à télécharger ci-dessous.

Rencontre avec l’éditrice, Caroline Coutau

Pouvez-vous nous parler de la création des éditions ZOÉ, quelle est l’histoire de la maison ? Et d’où vient le nom ZOÉ ?

Les éditions Zoé ont été créées en 1975 dans un garage. Dans le sillage des contre-cultures des années soixante, la volonté était d’une part de se faire le porte-voix de ceux qui ont rarement la parole, et d’autre part de ne pas hiérarchiser le travail artisanal et manuel d’un côté, et intellectuel de l’autre : tout le monde faisait tout, y compris mettre en page au plomb et imprimer.

Zoé signifie la vie en grec, ça reste un bon credo pour une maison littéraire indépendante, où créativité et vitalité doivent se renouvellent sans cesse.

Comment êtes-vous venue à l’édition, et chez ZOÉ en particulier ?

D’abord en lisant, beaucoup, tout le temps. J’ai fait un master en français à l’université de Genève, à une époque où on pouvait faire toutes ses études sans lire un seul auteur de Suisse romande. J’ai donc une assez bonne culture littéraire franco-française…mais me suis bien rattrapée en arrivant chez Zoé. J’ai appris toutes les étapes de l’édition chez Labor et Fides, après avoir été critique et programmatrice de danse contemporaine.

Qu’est-ce qui distingue les éditions ZOÉ des autres maisons d’édition ? Quels sont les genres littéraires que vous privilégiez ?

La fiction et le récit, le récit de voyage et l’enquête sous toutes ses formes. Ce qui compte, c’est la voix, une certaine voix qui ne correspond qu’à l’autrice ou l’auteur pour dire les choses et le monde.

Si vous deviez choisir un livre qui représente l’esprit des éditions ZOÉ, lequel serait-ce et pourquoi ?

L’analphabète d’Agota Kristof. En 80 pages d’une sobriété époustouflante, Agota raconte son enfance en Hongrie, son amour pour la lecture, sa fuite du pays en 1956, son arrivée dans la langue française, sa solitude extrême à cause de cette langue inconnue. Il est question de bilinguisme, de double culture, de l’autre, de l’étranger et de langue : ce texte concentre l’essentiel de l’ADN des livres Zoé.

Le livre commence comme ça : « Je lis. C’est comme une maladie ». Ou comment faire naître l’émotion avec une économie de moyens absolue.

Pouvez-vous nous parler de quelques-unes de vos publications récentes qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

Ilaria ou la conquête de la désobéissance de Gabriella Zalapì. C’est l’histoire d’une enfant de huit ans enlevée par son père pendant deux ans dans l’Italie des années 1980, les années de plomb. C’est l’enfant qui raconte, sans aucune niaiserie et avec un sens de l’observation et une sensibilité exceptionnels. L’histoire est cruelle, et pourtant il y a une grande beauté et beaucoup de lumière dans ce texte.

Quel est le livre publié par les éditions ZOÉ qui vous a le plus marqué personnellement et pourquoi ?

Hiver à Sokcho d’Elisa Shua Dusapin. Cette non-histoire d’amour entre un bédéaste normand en mal d’inspiration et une jeune Franco-Coréenne qui travaille dans une pension à la frontière nord de la Corée du sud mêle douceur et violence avec une sorte d’évidence qui tient du miracle. Ce livre compte pour moi parce que je l’aime, et parce qu’il m’a fait grandir comme éditrice en même temps qu’il a fait grandir son autrice, dont c’était le premier roman à seulement 23 ans. Trois autres romans d’elle ont suivi, traduits en plus de 30 langues et récompensés de nombreux prix.

C’était 2016. La même année, nous publions en français Le garçon sauvage de Paolo Cognetti avec Anita Rochedy en apprentie traductrice et Les étoiles s’éteignent à l’aube du Canadien autochtone Richard Wagamese. Le rapport de l’homme avec la nature joue un rôle central dans ces deux textes aussi humbles que glorieux.

Et en fin d’année dernière, pour ouvrir nos cinquante ans célébrés tout au long de 2025, nous avons réédité Le hibou et la baleine, autoportrait en images de Nicolas Bouvier, dont j’admire la capacité à mêler familiarité et érudition. Il n’hésite pas à empoigner de front des concepts aussi centraux que la mort, l’amour, le voyage, les animaux. Il y parle vrai, en toute pudeur.

Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés en tant que maison d’édition indépendante ?

Se faire mieux connaitre, vendre plus de livres sans perdre notre âme.

Quels sont vos projets futurs pour les éditions ZOÉ ?

Continuer de découvrir de nouvelles voix, et les mettre toujours mieux en valeur.